Titre

La Rachinesthésie 
règles de sécurité

Auteur

Docteur Michel CASTANER

DARC II Lille

            La rachianesthésie tient une place importante dans l’essor qu’a connu l’anesthésie loco-régionale en France depuis dix ans. Ses avantages indéniables associés au regain d’intérêt récent pour l’injection intra-thécale de morphiniques, ont favorisé l’extension de ses indications. Les enquêtes épidémiologiques ont montré que les complications étaient rares, mais qu’elles pouvaient entraîner des séquelles définitives. La surveillance d’une rachianesthésie impose donc la connaissance  de ces complications cardiovasculaires, respiratoires et neurologiques afin de les prévenir et de les traiter.

Les complications hémodynamiques

Causes

            La diminution du retour veineux secondaire au bloc sympathique est la cause essentielle de l’hypotension observée au cours des rachianesthésies. En cas de bloc supérieur à T10, la diminution du tonus artériel associé parfois au blocage des fibres sympathiques cardiaque majore le risque de collapsus.

            Une bradycardie sévère peut survenir au cours des anesthésies rachidiennes quelque soit le niveau de bloc obtenu. Le délai d’apparition de cette bradycardie peut être tardif. Le risque existe tant que le bloc sympathique est installé.

            L’arrêt cardio-circulatoire complique rarement (1 à 6/10000) ces manifestations hémodynamiques. Sa survenue est favorisée par l’hypovolémie pré ou per opératoire, par l’hypoxie secondaire à une sédation excessive et par le retard au traitement efficace de la bradycardie.

Prévention

            La prévention de ces accidents repose sur :

·        un bilan pré anesthésique rigoureux, évaluant le rapport risques/bénéfices chez les patients aux réserves cardiaque limitées (hypovolémie sévère, rétrécissement aortique, dysautonomie neurovégétative, insuffisance cardiaque sévère, …)

·        une surveillance clinique et paraclinique équivalente à celle réalisée si le patient avait eu une anesthésie générale. Ce monitorage cardiovasculaire doit être actif tant que persiste le bloc sympathique, et notamment en SSPI

·        la correction rapide et efficace des modifications hémodynamiques liée à la veinodilatation par le remplissage et les vasopresseurs (Ephédrine)

·        l’utilisation d’adrénaline dès que l’Ephédrine est inefficace

 

Les complications respiratoires

Causes

            La rachianesthésie peut être responsable d’une dépression respiratoire

-         par l’extension du bloc moteur aux muscles inspiratoires accessoires en cas de niveau supérieur à T7 ou aux muscles expiratoires en cas de bloc supérieur à T10

-         par l’utilisation de morphiniques par voie intra-thécale. La dépression peut être précoce en cas d’utilisation de Sufentanyl. Elle peut être retardée lors d’utilisation de morphine

Prévention

            On peut donc proposer comme mesures préventives :

·        d’éviter les anesthésies médullaires chez l’insuffisant respiratoire sévère si le niveau de bloc moteur doit dépasser T10, surtout si une position gynécologique est prévue

·        d’assurer une surveillance clinique et paraclinique basée sur la fréquence respiratoire, le contact verbal et la SpO2

·        d’éviter les sédations excessives avec une composante morphinique

·        de prolonger la surveillance respiratoire durant 24h à 48h en cas d’utilisation de morphine par voie intra-thécale. Pour ces doses de morphine supérieure à 0,2 mg, la surveillance peut être réalisée dans un secteur d’hospitalisation traditionnelle ou de soins intensifs selon la gravité du patient. Pour des doses supérieures à 0,3 mg, une surveillance en milieu spécialisé est nécessaire

Les complications neurologiques

Causes

            Des séquelles neurologiques graves à type de syndrome de la queue de cheval, de paraplégie ou d’atteintes radiculaires définitives, peuvent survenir au décours d’une rachianesthésie. Elles peuvent être liées :

-         à la toxicité directe de certains anesthésiques locaux pour la moelle épinière (lidocaïne à 5%)

-         à un traumatisme nerveux lors de la ponction

-         à des phénomènes ischémiques secondaires à un hématome compressif ou à une perfusion

La fuite de liquide céphalorachidien liée à la ponction peut entraîner des manifestations plus bénignes mais parfois très invalidantes telles que céphalées, troubles visuels et auditifs.

Prévention

            La prévention de ces accidents repose sur :

·        l’information du patient lors de la visite préanesthésique afin de dépister précocement les complications et parfois de les traiter efficacement  (blood-patch).

·        la discussion du rapport risque/bénéfices de la rachianesthésie chez les patients aux antécédents neurologiques

·        L’arrêt de l’utilisation de la lidocaïne à 5% en intra-thécal

·        l’utilisation d’un matériel et d’une technique adaptée (aiguilles à pointe «crayon», paresthésies lors de la ponction…)

·        le respect des recommandations de la SFAR concernant l’utilisation des anticoagulants en cas d’anesthésie médullaire : la ponction rachidienne doit être pratiquée plus de 6h après une injection d’héparine standard, plus de 12h après une injection d’héparine de bas poids moléculaire et plus de 3 jours après une prise d’aspirine

·        une surveillance neurologique jusqu’à la levée du bloc moteur en SSPI

·        la recherche de symptômes sensitifs (douleurs, paresthésies persistantes …) ou sensoriels (céphalées, troubles auditifs ou visuels) de survenue parfois tardive

Une prise en charge sécuritaire de la rachianesthésie repose donc autant sur l’évaluation préopératoire du patient et sur une surveillance adaptée, qu sur l’habileté technique de l’opérateur. La surveillance postopératoire comporte des spécificités qui devraient être connues par les personnels qui l’assure.

Bibliographie

-         Lopez S., Bernard N., Capdevilla X. Quel objectif thérapeutique hémodynamique faut-il se donner ? Anesthésie rachidienne. MAPAR 2000

-         Auroy Y., Amalberti R., Benhamou D. Quels critères de maîtrise du risque des anbesthésies locorégionales ? JEPU Pitié-Salpétrière 2001

-         Kuhlman G. Place des techniques d’analgésie locorégionales médullaires. JEPU Pitié-Salpétrière 2001

-         Mazoit J.X. Mode d’action et toxicité des anesthésiques locaux. Conférences d’actualisation SFAR 1996

-         Mauroy Y., Bargues L., Benhamou D., Ecoffey C., Samii K., Groupe SOS-ALR Complications des anesthésies rachidiennes. Acquisitions récentes. Conférences d’actualisation SFAR 1999